Vous êtes aidant familial, et vous avez peut-être déjà ressenti cette boule au ventre : celle de voir un proche âgé en maison de retraite traverser des moments difficiles, voire souffrir. Cette souffrance, qu’elle soit physique, psychique ou émotionnelle, vous questionne profondément. Vous vous demandez : a-t-on vraiment le droit de laisser souffrir une personne âgée dans un lieu censé être sûr ?
Ce sentiment est légitime, et il est essentiel d’en parler ouvertement. Dans cet article, nous vous éclairons sur vos droits et ceux de votre proche, vous informons sur ce que dit la loi, et surtout, nous vous donnons des pistes concrètes pour agir face à la souffrance, si elle existe.
Comment la loi protège les seniors de la souffrance et de la maltraitance en maison de retraite
En France, la loi est claire : nul ne peut être laissé dans la souffrance. La dignité de chaque personne, quel que soit son âge, doit être respectée. Cela est inscrit dans plusieurs textes fondamentaux, dont :
- la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (loi Kouchner de 2002) ;
- la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui encadre les droits des patients en fin de vie et les conditions des soins palliatifs ;
- la loi ASV (adaptation de la société au vieillissement) de 2015.

Loi du 5 mars 2007 : protection juridique des majeurs
D’autres lois viennent compléter ce dispositif. Depuis mars 2007, la loi française n° 2007-308 renforce également la lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables, en particulier les personnes âgées et les personnes en situation de handicap. Cette loi impose aux établissements comme les maisons de retraite un devoir strict de prévention, de formation du personnel et de protection des résidents.
Loi du 8 avril 2024 « Bien vieillir »
Plus récemment, la loi du 8 avril 2024 « Bien vieillir » a encore accentué ces obligations en mettant l’accent sur la qualité de vie en établissement et la lutte contre toute forme de souffrance évitable. Cette loi engage les structures à renforcer les moyens de vigilance, à mieux accompagner les aidants familiaux et à garantir un cadre respectueux de la dignité et du bien-être des personnes âgées.
Qu’est-ce que la maltraitance des personnes âgées ?
Il se peut que votre proche souffre en raison d’une maltraitance en maison de retraite. Par définition, la maltraitance d’une personne âgée est toute action ou omission qui porte atteinte à sa dignité, son intégrité physique ou morale, ou qui compromet gravement sa santé. Cela peut prendre plusieurs formes :
- des violences physiques (coups, gestes brusques) ;
- des violences psychologiques (humiliations, menaces, isolement) ;
- des négligences répétées (manque d’hygiène, alimentation insuffisante, soins médicaux retardés) ;
- des abus financiers.
Si vous constatez le moindre signe inquiétant, ne fermez pas les yeux sur la situation. Cette maltraitance peut venir du personnel, souvent soumis à une charge de travail excessive, un manque de moyens et de formation, ce qui ne justifie en rien ces comportements, mais peut parfois expliquer certaines négligences ou violences. Elle peut aussi venir d’autres résidents.
Comment reconnaître les signes de maltraitance d’une personne âgée en EHPAD ?
Vous qui accompagnez votre proche, vous êtes souvent le premier à percevoir ces signaux. Cependant, la maltraitance envers les personnes âgées en maison de retraite est parfois difficile à déceler. Voici ce qui pourrait vous alerter :
- La personne paraît sur la défensive, anxieuse ou inquiète.
- Elle montre des symptômes dépressifs, comme une apparence négligée, une perte d’appétit, un désintérêt pour son environnement ou des troubles du sommeil.
- Elle a un changement de comportement brutal et n’a plus goût à rien (syndrome de glissement)
- Elle semble anormalement calme, voire apathique.
- Elle subit des chutes fréquentes sans raison évidente.
- Elle présente des bleus ou des marques corporelles dont elle ne peut fournir d’explication claire.
Dans ce cas, vous avez le droit et le devoir de questionner, de demander des explications, et surtout d’exiger que la dignité et le bien-être de votre proche soient respectés. Si la situation ne change pas, il est nécessaire de résilier le contrat d’hébergement de la personne âgée.
À noter : les personnes âgées qui subissent des actes de maltraitance n’osent pas toujours en parler. Si vous êtes témoin d’actes de violence ou de négligence, vous pouvez contacter la ligne nationale d’écoute et d’aide contre la maltraitance, soit le 3977 (vous pouvez appeler de manière anonyme).
Le poids du départ et la souffrance émotionnelle en maison de retraite
Il est important de souligner que la souffrance d’une personne âgée en maison de retraite ne vient pas toujours du personnel ou de mauvais traitements. Le fait de quitter son domicile, son environnement familier, peut provoquer une grande détresse émotionnelle, un sentiment de perte et d’isolement difficile à surmonter.
Lorsque cette souffrance est trop importante, il peut être préférable d’envisager l’aide à domicile, si cela est toujours possible. De nombreuses aides financières et dispositifs d’accompagnement existent pour soutenir cette option, comme l’APA (Allocation personnalisée d’autonomie).
Que faire si vous suspectez ou constatez une souffrance en maison de retraite ?
Si vous avez des doutes ou si vous êtes certain que votre proche souffre, voici quelques conseils concrets pour agir :
1. Parlez avec l’équipe soignante et la direction
Entamez une discussion calme et claire. Exprimez vos inquiétudes, demandez des explications précises sur la prise en charge médicale, la gestion de la douleur et les activités proposées. Souvent, le dialogue peut résoudre des malentendus ou faire émerger des améliorations rapides.

2. Rassemblez des preuves
Si vous observez des signes inquiétants (bleus, plaies, déshydratation, repli sur soi), prenez des notes précises, voire des photos discrètes. Cela pourra être utile si vous devez alerter des autorités.
3. Faites appel à un tiers
Vous pouvez contacter :
- Le médecin traitant ou le médecin coordonnateur de l’établissement.
- Le médiateur de la maison de retraite, chargé de faciliter les relations.
- Un représentant des familles ou un conseil de la vie sociale (CVS) présent dans la structure.
4. Signalez en cas de maltraitance avérée
En cas de maltraitance grave (physique, psychologique, financière), vous pouvez alerter :
- Le procureur de la République.
- Le Conseil départemental, qui a un service chargé de la protection des majeurs vulnérables.
- Les associations de défense des personnes âgées, qui peuvent vous accompagner dans vos démarches.
- Le commissariat de police, en vous rendant sur place, en appelant ou en envoyant une lettre.
Bon à savoir : signaler une maltraitance n’est pas seulement un droit, c’est une obligation légale. Ne pas le faire peut entraîner jusqu’à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende (Code pénal, articles 434-1 à 7). En cas de violences physiques, cela constitue une non-assistance à personne en danger.
La bientraitance, un engagement quotidien en EHPAD
Ce que vous attendez d’une maison de retraite, tout comme votre proche, c’est de la bientraitance. Ce terme désigne un accompagnement fondé sur le respect, l’écoute, la valorisation de la personne et la qualité des soins.
Dans une maison de retraite bien gérée, l’équipe veille à :
- Adapter les soins à chaque besoin.
- Favoriser le maintien des liens sociaux et familiaux.
- Proposer des activités enrichissantes.
- Prévenir l’isolement social et la dépression.
- Gérer la douleur avec sérieux, en collaboration avec des spécialistes si nécessaire.
Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, la souffrance s’installe, et il faut alors mobiliser toutes vos ressources pour la faire cesser.
Les solutions alternatives à la maison de retraite
Peut-être que la maison de retraite n’est pas l’établissement le plus adapté à votre proche. Faites le point sur la situation et parlez-en avec lui pour savoir ce qui ne fonctionne pas. En effet, d’autres solutions peuvent être explorées.
Par exemple, si votre proche souffre de solitude et qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer, vous pourriez opter pour le village Landais Alzheimer. Ce lieu de vie permet aux personnes âgées de partager des logements et de profiter d’activités personnalisées selon les goûts dans un cadre en pleine nature.
N’hésitez pas non plus à regarder du côté des :
- résidences services seniors, qui proposent un logement individuel avec des espaces communs, des animations et un accompagnement léger, favorisant les rencontres et la vie sociale.
- habitats partagés ou les colocations seniors, une solution innovante qui combat la solitude en réunissant plusieurs personnes âgées dans une même maison ou un même appartement.
- foyers-logements, qui offrent un compromis entre autonomie et assistance, avec des logements individuels et un encadrement médical.
Au contraire, si la situation de votre proche se dégrade et que le personnel ne peut répondre aux besoins de votre proche, il faudra peut-être envisager le placement dans une unité de soins palliatifs (USP).
Agir pour ne jamais laisser souffrir une personne âgée
Vous avez le droit, en tant qu’aidant familial, de vous battre pour que votre proche ne souffre pas, surtout dans un lieu censé être protecteur comme une maison de retraite. La loi vous soutient, mais c’est aussi par votre présence, votre engagement et votre voix que la souffrance peut être évitée ou soulagée. L’objectif est d’offrir à votre proche une fin de vie digne, respectueuse et la plus apaisée possible.
Pour éviter de vous retrouver dans cette situation inconfortable, renseignez-vous bien à l’avance sur les maisons de retraite proches de chez vous. Regardez les avis, visitez les lieux, observez l’ambiance, posez des questions au personnel et, si possible, aux résidents. Cela vous donnera une idée de la qualité de vie offerte dans l’établissement.
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