Votre père vient d’être placé sous tutelle. Le juge a désigné un tuteur, les comptes ont été transférés… Mais soudain, vous vous demandez à qui va vraiment l’argent, comment il est utilisé, et si tout est géré dans son intérêt. Car la tutelle, loin d’être une dépossession, doit avant tout protéger la personne et non la priver de ses moyens. Alors, comment vérifier que tout est bien géré, sans franchir la ligne du soupçon ?

Pourquoi un tuteur est-il nécessaire ?

Un tuteur légal en France est nommé lorsque la personne ne peut plus gérer seule ses affaires. Tous ses biens (comptes bancaires, épargne, objets ou logement) sont alors confiés à ce tuteur, choisi par le juge des tutelles, qui veille à les protéger et à les gérer dans son intérêt. Souvent, le tuteur est un proche : un membre de la famille ou une personne de confiance.

Cependant, un tuteur professionnel peut être choisi si aucun membre proche ne peut assumer cette responsabilité. Dans ce cas, il est rémunéré selon un montant fixé par décret, payé avec l’argent de la personne protégée.

Senior avec sa fille comme tutrice légale

Où va l’argent d’une personne sous tutelle ?

C’est le tuteur qui reçoit les revenus du majeur protégé, règle les dépenses courantes et gère les biens. Il doit prendre en compte ses habitudes de vie et ses souhaits autant que possible.

Le tuteur peut-il disposer librement de l’argent ?

Le tuteur ne peut pas utiliser l’argent de la personne protégée comme il le souhaite. La loi encadre strictement sa gestion (articles 427 et suivants du Code civil) pour protéger les intérêts du majeur. Chaque dépense doit servir à ses besoins essentiels : logement, santé, alimentation, factures, assurances, transports, loisirs, etc.

Tuteur et retrait d’argent : ce qui est autorisé

Le tuteur peut effectuer des retraits pour régler les dépenses courantes du majeur protégé. En revanche, tout retrait important ou exceptionnel (achat, don, placement, vente de bien…) doit être autorisé par le juge des tutelles afin d’éviter tout abus ou conflit d’intérêt.

Peut-on vérifier comment est dépensé l’argent d’un proche sous tutelle ?

Chaque mouvement d’argent doit pouvoir être tracé et justifié. Ainsi, toute personne ayant un intérêt légitime (en général un héritier ou un proche) peut demander au juge à consulter le compte de gestion annuel.

LIRE AUSSI : Qui paie l’EHPAD d’une personne sous tutelle ?

Quelles sont les règles pour gérer l’argent d’une personne sous tutelle ?

Le tuteur est tenu de respecter des règles précises, de l’inventaire des biens à la gestion des comptes bancaires. Voici les grands principes à respecter :

  • Inventaire et suivi régulier : dès le début de la tutelle, un inventaire complet du patrimoine (argent, comptes, meubles, immeubles, etc.) doit être dressé et mis à jour régulièrement.
  • Dépenses justifiables : chaque dépense (loyer, soins, alimentation, abonnements) doit pouvoir être expliquée. Pour cela, il faut conserver tous les justificatifs.
  • Priorité à l’entretien courant : logement, santé, alimentation, assurances et transports sont financés en priorité.
  • Dépenses personnelles limitées : les loisirs et les petits achats sont possibles, mais seulement dans la limite des ressources disponibles.
  • Épargne de précaution : le tuteur de personnes âgées peut constituer une réserve pour sécuriser l’avenir si les revenus le permettent.
  • Comptes séparés : les finances du majeur ne doivent jamais être mélangées avec celles du tuteur. Si le majeur n’a pas de compte bancaire, le tuteur doit lui en ouvrir un à son nom. Si le majeur possède déjà un compte, il doit être maintenu, sauf autorisation spécifique du juge pour certaines opérations. La carte bancaire pour personne sous tutelle doit être gardée par le tuteur.

Bon à savoir : le tuteur n’est jamais seul. En cas de doute sur une dépense, un placement ou une démarche administrative, il peut demander conseil au juge des tutelles ou au greffe du tribunal. Mieux vaut poser une question que prendre un risque pour la personne protégée.

Rendre des comptes : une obligation pour chaque tuteur

Si vous êtes tuteur de personnes âgées, vous devez présenter des comptes sur la gestion financière du majeur protégé. Cette étape garantit la transparence et protège à la fois la personne et le tuteur. Concrètement, il est demandé de fournir :

  • Un rapport complet chaque année : vous rédigez un compte de gestion qui récapitule toutes les entrées (pensions, loyers, aides, revenus divers) et toutes les dépenses effectuées, justificatifs à l’appui.
  • Un contrôle par le juge : le juge des tutelles, parfois aidé du procureur ou d’un subrogé tuteur (deuxième personne nommée par le juge pour surveiller le tuteur principal), vérifie que les opérations sont cohérentes et conformes aux besoins de la personne protégée.
  • Des justificatifs à conserver : factures, relevés bancaires, contrats… Tous ces documents doivent être gardés au moins cinq ans.
  • Une rigueur indispensable : cette obligation permet d’éviter les abus, mais demande une vraie organisation au quotidien, surtout pour les proches qui deviennent tuteurs sans formation préalable.

Ce suivi régulier est une garantie précieuse : il assure que l’argent du majeur protégé est utilisé uniquement dans son intérêt.

Tutrice qui rédige un compte de gestion qui récapitule toutes les entrées et toutes les dépenses effectuées

En cas d’abus : comment détecter et réagir

Certaines situations peuvent alerter sur une mauvaise gestion de l’argent d’une personne sous tutelle :

  • des prélèvements inexpliqués sur les comptes ;
  • des achats inhabituels ou sans lien avec les besoins de la personne sous tutelle ;
  • un train de vie soudainement réduit.

Ces signes peuvent révéler un abus de faiblesse ou un détournement de fonds. Selon le Code pénal (article 223-15-2), exploiter la vulnérabilité d’une personne protégée à des fins personnelles est sévèrement puni.

Pour qu’il y ait infraction :

  • l’auteur doit être conscient de la faiblesse de la personne et agir de manière frauduleuse ;
  • le préjudice doit être important, qu’il soit financier ou moral.

La responsabilité du tuteur peut être engagée :

  • civilement, pour réparer le préjudice subi ;
  • pénalement, avec des sanctions prévues par la loi.

Démarches à suivre en cas de doute

Si vous avez un doute sur le tuteur d’un proche, voici les démarches à suivre :

  • Saisir le juge des contentieux de la protection : un simple courrier clair et détaillé suffit pour déclencher une vérification.
  • Informer le subrogé tuteur (si un subrogé tuteur existe), qui doit alerter le juge sans délai.
  • Porter plainte auprès du procureur de la République si une fraude avérée est constatée.

La prescription commence à courir à partir du dernier acte frauduleux, ce qui permet d’agir même plusieurs années après les faits.

Sanctions et conséquences pour le tuteur fautif

En cas d’abus, le juge peut suspendre ou révoquer le tuteur, voire l’interdire d’exercer à l’avenir. Sur le plan pénal, les sanctions peuvent aller jusqu’à 3 ans de prison et 375 000 € d’amende. Civilement, la personne protégée ou ses héritiers peuvent demander réparation du préjudice.

Si le tuteur possède une assurance professionnelle, elle peut couvrir les indemnités. De plus, tout acte réalisé sans respecter la loi (vente de bien sans autorisation, ouverture de compte non validée…) peut être annulé.

Héritage : où va l’argent d’une personne sous tutelle décédée ?  

Lorsqu’une personne sous tutelle décède, la tutelle prend fin immédiatement. Les fonds et biens de la personne sont alors traités comme pour toute succession : l’argent et le patrimoine sont transmis aux héritiers conformément aux règles de succession.

Le tuteur doit remettre un compte définitif de gestion au juge des tutelles, rendant compte de toutes les opérations effectuées pendant la durée de la tutelle.

LIRE AUSSI : Quels sont les droits de la famille lors de la mise sous tutelle d’une personne âgée ?

Mettre la sécurité et la confiance au cœur de la tutelle

La mise sous tutelle est avant tout une mesure de protection, destinée à garantir que la personne vulnérable voit ses besoins essentiels couverts et son patrimoine préservé. Cependant, elle implique également des responsabilités importantes pour le tuteur et peut entraîner des dérives si les règles ne sont pas respectées.

La clé d’une tutelle réussie réside dans la transparence, le suivi précis des comptes et la communication régulière entre la personne protégée, le tuteur et la famille. Dans ce contexte, la confiance est l’un des points les plus importants, car elle permet à la personne âgée de se sentir en sécurité et rassurée, sachant que sa vie et son argent sont entre de bonnes mains.