Chaque matin, vous remarquez de petits signes qui vous inquiètent : votre parent oublie ses rendez-vous, se perd dans ses souvenirs, hésite à gérer ses affaires personnelles. Il devient évident qu’il a ne peut plus tout gérer seul, et l’idée de confier sa protection à un tuteur s’impose. Découvrez dans cet article tout ce que vous devez connaître sur le rôle du tuteur d’une personne âgée, quand il est utile de le désigner et qui peut prendre cette responsabilité

Qu’est-ce qu’un tuteur ?

La notion de tuteur ou tuteur légal est encadrée par la loi ; seule une décision de justice peut valider la nomination d’un tuteur.

Tuteur d’un majeur protégé : une définition

Le rôle d’un tuteur légal est de représenter un majeur qui n’est plus en mesure de gérer sa vie civile ni son patrimoine. Les personnes âgées atteintes de maladie neurodégénérative peuvent ainsi avoir besoin d’être mises sous la responsabilité d’un tuteur. En France, la mise sous tutelle est une mesure de protection juridique prévue par le Code civil (articles 403 à 408).

Le tuteur assume la mission de gestion, représentation et protection de la personne et de ses biens, en concertation avec le juge des contentieux de la protection, ex-juge des tutelles

Tuteur qui représente une senior

À quelles conditions le juge peut-il décider d’une tutelle ?

Le juge intervient lorsqu’une personne âgée ou dépendante :

  • Présente une altération de ses facultés mentales et/ou corporelles ;
  • Et n’est plus en capacité de veiller sur ses propres intérêts.

Le juge s’appuie sur un certificat médical circonstancié pour prendre sa décision. 

Les missions principales du tuteur

La personne désignée pour faire office de tuteur doit remplir les trois obligations du tuteur :

  • Protéger la personne dans sa vie quotidienne (santé, lieu de vie, droits…) ;
  • Gérer son patrimoine et ses revenus (inventaire à réaliser dans les 3 mois suivant l’ouverture de la mesure, reddition de comptes à présenter tous les ans) ;
  • La représenter pour les actes de la vie civile (contrats, logement, succession…) .

Le tuteur garantit que la personne sous tutelle reçoit les soins, l’hébergement et les services adaptés à sa dépendance et n’est en rien lésée.

Qui peut être nommé tuteur ?

La nomination du tuteur d’une personne âgée se fait prioritairement avec l’assentiment de la famille. Mais il peut s’agir tout aussi bien d’un tuteur familial ou d’un tuteur professionnel.

Le tuteur familial : la solution privilégiée

En principe, c’est dans le milieu familial que l’on recherche un tuteur. Le conjoint, un enfant, un frère ou une sœur peuvent être désignés comme tuteur légal. Ainsi, le tuteur issu de la famille :                                                                                                                                                                                       

  • Connaît bien la personne âgée, 
  • Est déjà au courant de ses affaires patrimoniales et de ses habitudes
  • Peut assurer une continuité affective avec elle.

Si la personne âgée est suffisamment consciente, lors de son entretien avec la personne, le juge lui demande qui elle souhaiterait avoir comme tuteur. Il est également possible que deux personnes d’une même famille partagent la tutelle.

Dans quels cas désigne-t-on un tuteur professionnel ?

Il est des cas où la désignation d’un tuteur familial est impossible :

  • Le senior n’a pas de famille, ou plus de relations avec elle,
  • Il existe des conflits familiaux si bien que les membres de la famille ne parviennent pas à s’entendre sur le nom du tuteur,
  • Aucun membre de la famille ne veut assumer le rôle de tuteur familial,

Le juge nomme alors un tuteur professionnel, un mandataire judiciaire : il s’agit d’un salarié d’un organisme spécialisé ou d’un indépendant. À noter que le tuteur professionnel est rémunéré par la personne protégée.

Conditions de moralité et d’impartialité : ce que cela signifie

Le futur tuteur ne doit pas avoir été condamné à une interdiction de droits civils et de famille. S’il exerce une profession médicale ou de pharmacie, la personne à protéger ne doit pas être son patient. Une fois désigné, le tuteur a un devoir d’impartialité : il n’a pas le droit d’obliger la personne protégée sur aucun sujet. 

Quelles sont les obligations du tuteur ?

Accepter de devenir le tuteur d’une personne âgée implique certaines responsabilités. Trois activités sont particulièrement sensibles

La gestion du patrimoine du majeur protégé

La tutelle d’une personne âgée pose la question de la bonne gestion de son patrimoine. Le tuteur doit faire en sorte que celle-ci soit honnête et profitable pour la personne protégée.

Le tuteur doit établir un inventaire du patrimoine dans les trois à six mois suivant la désignation, et le transmettre au greffe du tribunal. De plus, chaque année, il doit fournir une reddition de comptes, un état annuel de sa gestion des comptes patrimoniaux.  

Aucun bien ne peut être aliéné sans une autorisation du juge des contentieux de la protection : cela concerne en particulier la vente ou la donation d’un bien immobilier, d’un portefeuille d’actions, de meubles ou objets de valeur. 

Responsabilité civile et financière du tuteur

Le tuteur perçoit les revenus ou capitaux qui reviennent au senior protégé sur un compte ouvert au seul nom de la personne sous tutelle. Le tuteur peut être révoqué et poursuivi s’il gère mal les biens de la personne âgée ou lui cause un préjudice. Le juge peut alors engager une action en responsabilité. 

Décisions concernant la santé de la personne sous protection juridique

Le tuteur participe aux décisions de santé concernant la personne âgée : le tuteur doit lui communiquer toute information sur sa situation personnelle, et en particulier sur son état de santé et les actions éventuelles à entreprendre.

Si des décisions urgentes doivent être prises en matière médicale, comme une hospitalisation, le tuteur peut les prendre seul sans l’aval du senior, mais doit en informer immédiatement le juge.

Concernant le placement prolongé de la personne sous tutelle dans un EHPAD, si celle-ci est d’accord, le juge en est informé. Mais si la personne n’est pas consentante, c’est alors au juge des contentieux de la protection d’avaliser ou pas la décision.

 Le tuteur ne peut jamais vendre un bien sans autorisation judiciaire. 

Le tuteur n’a pas le droit de vendre un bien, que la personne âgée protégée soit ou non d’accord avec la vente. Il doit en demander l’autorisation du juge des contentieux de la protection, seul habilité à autoriser (ou non) la vente.

Les 3 étapes de la mise sous tutelle

Même si tous les membres d’une famille s’entendent sur la désignation d’un des leurs comme tuteur, cette démarche doit suivre une procédure qui sollicite l’intervention du juge des contentieux de la protection.

1. La demande de mise sous tutelle

La demande de mise sous tutelle est effectuée auprès du juge des contentieux de la protection par un membre de la famille sur conseil du médecin traitant, qui rédige un certificat médical. Dans des cas d’urgence vitale, c’est le procureur lui-même qui peut saisir le juge.

2. L’audition des protagonistes par le juge

Le juge auditionne la personne âgée si son état de santé le permet. La personne à l’origine de la demande de protection est, quant à elle, toujours auditionnée.

3. La décision du juge et la nomination du tuteur

Le juge des tutelles prononce la tutelle sur la foi de ses auditions et du certificat médical. Il désigne un ou plusieurs tuteurs. La plupart du temps, il valide la proposition faite par le demandeur si elle est avalisée par le conseil de famille. 

Curatelle, sauvegarde de justice, habilitation familiale : que sont les autres modes de protection ?

Il existe plusieurs modes de protection juridique, chacun proposant un degré de protection différent.

Les quatre modes de protection juridique

Mesure de protectionCapacité juridique de la personne âgée sous protectionQui gère ?Durée
Sauvegarde de justicePresque complète, sauf certains actes importants (vente de bien immobilier, souscription d’un prêt important…)Mandataire spécialTemporaire. Ne peut pas dépasser 1 an. Renouvelable une fois
CuratelleLa personne protégée peut gérer et administrer ses biens librement. Elle doit être assistée pour les actes de disposition qui engagent son patrimoineCurateur5 ans, renouvelable 3 fois.
TutelleLa personne sous tutelle ne peut pas réaliser de démarches ni prendre de décisions importantesTuteur5 à 10 ans
Habilitation familialeLa personne ne peut pas réaliser de démarches ni prendre de décisions importantesUn membre de la famille (ascendant, descendant, collatéral ou conjoint) avec l’assentiment de la familleJusqu’au décès de la personne

Comment choisir la meilleure protection juridique pour un proche dépendant ?

La tutelle est la solution la plus efficace et protectrice pour les personnes qui n’ont plus du tout la capacité de gérer leurs affaires. L’habilitation familiale peut être une bonne alternative dans ce cas, mais uniquement dans les familles unies ; elle ne prémunit pas contre d’éventuels abus.

La curatelle convient aux personnes conservant une autonomie partielle. Pour ces dernières, la sauvegarde de justice est provisoire et peut être un premier pas vers une solution plus pérenne comme une mise sous curatelle. 

Mesure de protectionPour quiAvantagesLimites
Sauvegarde de justicePersonne encore autonome mais qui a besoin d’être conseillée ou accompagnée dans certains actes de la vie civile.Mesure temporaire, qui permet d’observer la personne et d’envisager une autre protection (ou une absence de protection le cas échéant)Son côté temporaire, qui nécessite une révision relativement rapide.
CuratellePersonne encore autonome mais qui a besoin d’être conseillées ou accompagnées dans certains actes de la vie civile.Bon niveau de protectionUne autonomie partielle pour la personneUn contrôle régulier du juge
TutellePersonne plus en mesure d’effectuer les actes de la vie civile et de veiller sur leurs propres intérêtsTrès bon niveau de protectionFort contrôle du jugePas d’autonomie de la personne
Habilitation familialePersonne plus en mesure d’effectuer les actes de la vie civile et de veiller sur leurs propres intérêtsPour les familles qui s’entendent vraiment bienSouplesse (habilitation pour certains actes uniquement ou pour tous)Faible protection (le juge n’effectue pas de contrôle) : risque d’abusPas d’autonomie de la personne

Droits et devoirs du tuteur

Être tuteur, c’est exercer une importante responsabilité. C’est pourquoi ce statut s’accompagne d’un certain nombre d’impératifs à respecter, mais également de droits.

Une obligation de transparence et d’information

Le tuteur doit informer la famille, rendre compte de sa gestion, respecter la dignité de la personne âgée et toujours chercher à recueillir son avis lorsque cela est possible. Il doit également saisir le juge en cas de conflit, de changement de situation ou pour certaines décisions majeures.

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Tuteur qui rend des comptes à une membre de la famille de la personne sous tutelle

Droit de regard de la famille

Les proches peuvent demander communication des comptes, solliciter une réunion avec le tuteur ou même demander sa révocation s’ils l’estiment nécessaire. C’est le juge qui tranche dans des situations conflictuelles.

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Conflits fréquents et recours possibles

Certaines décisions peuvent occasionner des conflits entre le tuteur et la famille. Parmi celles-ci :

  • Maintien à domicile ou hébergement en EHPAD,
  • Vente de biens,
  • Engagement de frais contestés par la famille…

Les proches peuvent saisir le juge des tutelles ou le procureur pour faire modifier ou révoquer la mesure.

Cas pratiques : le tuteur d’un parent Alzheimer ou dépendant

Le tuteur s’occupe entièrement de la prise en charge de la personne âgée en EHPAD.

Gérer l’hébergement de la personne sous tutelle

Si la personne souffre de la maladie d’Alzheimer ou d’une grave perte d’autonomie, le tuteur devra :

  • Organiser le maintien à domicile ou décider l’entrée en EHPAD
  • Négocier les tarifs, 
  • Veiller aux soins,
  • Surveiller les dépenses associées à la dépendance. 

Le tuteur doit aussi solliciter les aides comme APA.

Assurer la communication avec les établissements

Le tuteur communique avec les équipes soignantes, valide les contrats d’hébergement, examine les factures. Il veille aux soins palliatifs en fin de vie.

Quand demander une révision de la tutelle ?

Une mesure de tutelle doit être renouvelée tous les 5 ans. Mais elle peut aussi être révisée : si l’état de santé de la personne est fortement détérioré, le juge peut valider le passage d’une tutelle simplifiée à une tutelle complète, sous l’autorité du conseil de famille.

FAQ

Qui peut contester un tuteur ?

Tout membre de la famille, la personne sous tutelle ou le procureur de la République peuvent contester un tuteur s’ils estiment qu’il agit contre les intérêts de la personne protégée. 

Le tuteur est-il rémunéré ?

Oui, le tuteur professionnel perçoit une rémunération fixée par décret selon les ressources du majeur protégé. Le tuteur familial, en revanche, n’est pas rémunéré, mais peut être remboursé des frais engagés (déplacements, gestion administrative, etc.).

Combien de temps dure une tutelle ?

La tutelle est prononcée pour une durée maximale de 5 ans, renouvelable si l’état de la personne âgée le justifie. En cas d’altération irréversible des facultés mentales, le juge peut prolonger la mesure jusqu’à vingt ans, avec un contrôle périodique.

Le tuteur peut-il être un aidant ?

Oui, un aidant familial peut tout à fait devenir tuteur s’il répond aux critères de moralité, d’impartialité et de disponibilité. Ce rôle double exige cependant de bien séparer les fonctions affectives et juridiques pour protéger au mieux le proche âgé.

Quelle différence entre tuteur et mandataire spécial ?

Le tuteur gère l’ensemble des actes de la vie civile pour un majeur protégé, tandis que le mandataire spécial n’intervient que pour des actes précis, définis par le juge. Le mandat spécial est une mesure plus légère et temporaire que la tutelle.