Votre mère semble manquer d’appétit ces temps derniers. Depuis son diagnostic de maladie d’Alzheimer, elle ne présentait aucun blocage sur l’alimentation, au contraire. S’agit-il d’une phase passagère, d’un trouble digestif éphémère ou d’une nouvelle avancée de la maladie ? Il est vrai que des troubles alimentaires liés à la maladie peuvent apparaître et, s’ils ne sont pas correctement traités, aggraver l’état de santé de la personne âgée. Cet article présente en détail les signes qui doivent alerter les aidants et impliquent une consultation médicale, ainsi que des conseils pour y répondre.
1. Oublier de prendre ses repas, un symptôme lié à la maladie d’Alzheimer
Les premiers symptômes d’une maladie d’Alzheimer résident le plus souvent dans l’apparition de troubles de la mémoire. Plus la maladie progresse, plus ces pertes de mémoire ont un effet important sur sa vie quotidienne.
Concernant les repas, la personne âgée peut « oublier » qu’elle a déjeuné, remettre la table plusieurs fois ou déclarer n’avoir rien mangé alors qu’elle sort d’un repas. Ces troubles de mémoire s’accompagnent souvent d’un désintérêt pour la préparation des repas.
Si la personne âgée est en mesure de demeurer à son domicile, plusieurs actions peuvent l’aider à retrouver une certaine régularité dans son alimentation :
- Établir un planning visuel des repas, bien repérable : sur un calendrier hebdomadaire, indiquer les menus de chaque jour et les actions à mener pour les préparer ;
- Programmer des alarmes à l’heure des prises (montre ou objet connecté, rappel téléphonique…) ;
- Mettre à disposition des plateaux-repas prêts à réchauffer ;
- Organiser un système de portage de repas.
L’objectif étant de garantir une régularité dans les prises alimentaires, inscrites dans une routine bénéfique aux patients Alzheimer.

2. La modification des goûts sous l’effet de la maladie d’Alzheimer
Des modifications sensorielles liées à la maladie d’Alzheimer peuvent rendre certains goûts « fade » ou « métalliques ». La maladie d’Alzheimer touchant les bulbes et les cortex olfactifs et gustatifs, ce phénomène, surtout s’il survient brutalement, doit alerter.
Le patient peut ainsi réclamer toujours plus de sel ou de sucre, refuser des plats pourtant appréciés d’habitude. Cela conduit parfois à une perte d’appétit et d’intérêt pour l’alimentation.
Pour éviter que la personne se détourne des repas et risque la dénutrition, il faut :
- Garder un équilibre énergétique en enrichissant les repas (ajouts de fromage râpé, de beurre ou d’huile…) ;
- Jouer des saveurs avec des épices pour relever des plats jugés trop fades, sans rajouter de sel, condiment problématique pour la santé cardiaque ;
- Travailler la couleur des plats : celle-ci joue également un rôle important dans l’appétence à manger ;
- Adoucir les aliments trop amers ;
- Varier textures et températures.
3. La personne âgée ne sait plus comment manger
La maladie provoque chez certains une apraxie, cette incapacité d’exécuter des mouvements intentionnels précédemment appris, ainsi qu’une agnosie, la difficulté à reconnaître des objets.
Lors de phases de désorientation, la personne âgée peut ne plus reconnaître certains aliments, oublier comment utiliser ses couverts ; se désintéresser totalement du repas. Une aide est indispensable pour que le patient continue à s’alimenter :
- Pratiquer le guidage « main sur main », montrer le geste à imiter, manger avec le malade pour favoriser l’imitation ;
- Simplifier la présentation des plats : une seule préparation par assiette, des couleurs contrastées entre la vaisselle et les aliments ;
- Utiliser des couverts ergonomiques, des assiettes antidérapantes, des verres à large ouverture ;
- Favoriser les aliments à manger avec les doigts quand c’est possible.
4. Le symptôme d’hyperoralité ou de pica
La maladie d’Alzheimer atteint les lobes frontaux, ce qui perturbe l’inhibition et le contrôle des impulsions. Certains patients en viennent à se « gaver » (mettre trop de nourriture d’un coup en bouche), ou à pratiquer un grignotage incessant. D’autres développent une maladie de Pica, un besoin irrépressible de porter à la bouche des objets non comestibles (papier, savon, terre…).
Dès la constatation de tels troubles, il est conseillé de :
- Sécuriser l’environnement du malade : rendre impossible l’accès aux produits dangereux, aux médicaments et aux petits objets ;
- Mettre toute nourriture sous clé ;
- Organiser une surveillance constante de la personne ;
- Consulter rapidement son médecin traitant : il pourra effectuer une évaluation de ces troubles psychocomportementaux et proposer des traitements adaptés.

5. Des signes de démence et d’agitation au moment des repas
Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée connaissent des phases d’anxiété aiguë. Cela peut se manifester lors d’un changement dans une routine, en fin de journée, devant une action à accomplir… Le repas devient un enjeu compliqué, un défi occasionnant une forte agitation chez la personne âgée.
L’aidant doit veiller à apaiser son proche :
- Créer un environnement calme et rassurant : pas de lumière vive, une table dégagée, pas de sons forts. Éteindre télévision et radio, afin de permettre au patient de se concentrer sur une seule tâche : manger.
- Éviter de mettre la personne en difficulté : une assiette avec un aliment, des petites portions, un accompagnement par la parole pour expliquer ce qu’elle doit faire si elle est confuse.
- Si ces crises se répètent souvent, évaluer avec le médecin l’état de santé du senior et les causes éventuelles de son agitation au moment des repas.
6. L’inversion du rythme jour/nuit pour la prise des repas
La maladie peut s’accompagner d’un rythme veille-sommeil perturbé. Certains patients se mettent à manger la nuit et somnolent dans la journée, sans appétit pour les repas.
Il est nécessaire de rétablir rapidement un rythme diurne compatible avec une vie plus régulière et « normale » :
- Supprimer les excitants comme la caféine ou la théine ;
- Organiser un retour au calme dès la fin d’après-midi, avec des activités tranquilles (éteindre la télévision, proposer des tisanes apaisantes…) ;
- Avancer l’horaire du déjeuner ;
- Composer des dîners très faciles à avaler et à digérer (soupe enrichie, omelette) dès la fin d’après-midi.
Un bilan médical peut permettre d’identifier des facteurs associés (douleurs, effets secondaires des médicaments…).
7. La perte de poids, une alerte pour la santé du patient
Des vêtements qui flottent, une fatigue nouvelle : la perte de poids est un marqueur majeur de risque lié à la maladie d’Alzheimer. Elle touche plus d’un malade sur trois à différentes étapes de la maladie. On estime qu’un IMC inférieur à 22 est un signal d’urgence. Traiter ce problème passe par :
1. Peser le patient au moins une fois par semaine ;
2. Enrichir en protéines la diète du patient : inclure systématiquement dans les plats des matières grasses (beurre, huile), du fromage, des œufs ;
3. Adapter le régime à ce qui convient le mieux au malade : il est parfois préférable de répartir les repas en 4 à 5 petites collations dans la journée ;
4. Proposer des plats simples et stimulant les sens : colorés, odeurs et goûts connus et appréciés de la personne ;
5. Accompagner la personne pendant la prise de repas (aide gestuelle et/ou verbale).
La maladie d’Alzheimer entraîne des troubles cognitifs et des modifications sensorielles qui perturbent la relation à la nourriture. Le risque d’une dénutrition est important. Celle-ci augmente le risque de chutes, d’infections et accélère le déclin des fonctions cognitives. Surveiller ces symptômes et y répondre est ainsi essentiel pour le bien-être et la santé des malades.
FAQ
Qu’est-ce que le risque de dénutrition ?
Une personne perdant plus de 5 % de son poids en 1 mois et/ou de 10 % en 6 mois est à risque de dénutrition. Un IMC inférieur à 22 est également un signe clair.
Comment distinguer un « petit appétit » lié à l’âge d’un vrai trouble alimentaire chez une personne Alzheimer ?
Le seul effet de l’âge peut engendrer une petite baisse d’appétit, mais le poids de la personne reste relativement stable. Un trouble alimentaire se repère par des changements plus importants : perte de poids involontaire, refus récurrent des repas, difficultés à reconnaître les aliments, comportements inadaptés.
Comment gérer un refus total de prise de repas chez un patient Alzheimer ?
Commencer par apaiser la personne avec une voix calme, dans un environnement sans bruit. Proposer des aliments nutritifs et faciles à ingérer. Si le refus persiste, ne pas insister et revenir une demi-heure plus tard. Fractionner le repas en plusieurs petites prises espacées.
Comment gérer l’hypersélectivité alimentaire (il ne mange « que sucré » par exemple) ?
Partir de ce que la personne âgée accepte et chercher à l’enrichir : riz au lait au lait entier, yaourts « grecs », compotes agrémentées de poudre d’amandes, mousses enrichies. Introduisez progressivement de petites quantités de salé « doux » (purées, œufs brouillés) pour diversifier l’alimentation sans braquer la personne.
Hydratation : comment éviter la déshydratation quand la personne « ne sent pas la soif » ?
Il faut accompagner la personne âgée et lui proposer très régulièrement de s’hydrater. L’idéal est de fractionner, par exemple 1–2 gorgées toutes les 15–20 minutes. Afin d’éviter un refus, diversifiez les liquides avec des eaux aromatisées, des tisanes, des laits frappés, des soupes.
Et si mon proche refuse que je « l’aide » à table ?
Préservez sa dignité : proposez plutôt que d’imposer, ne vous énervez jamais, donnez le choix entre plusieurs options, commencez l’assiette et laissez-le poursuivre, valorisez chaque réussite. Manger ensemble (même une petite collation) diminue la résistance de la personne âgée.
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